• Mathieu Rabu

     

    Mathieu Rabu : « Cela fait douze ans que je suis sage-femme. »

    Mathieu, 36 ans, pratique le métier de sage-femme à l’hôpital de Sion. Ses hobbys sont le squash et le football.

     

    Gazette du Tsené : Pourquoi avez-vous choisi ce métier ? Est-ce que c’était un rêve d’enfant ?

    Mathieu : J'avais à peu près 6 ans lorsque j'ai pensé pour la première fois à travailler avec les nouveaux nés. Quand j'étais petit, j'étais dans une école où des gens venaient nous expliquer leurs expériences de vie. Je me souviens d’une personne qui s’était occupée de nouveaux nés en Afrique. Ce témoignage m'avait marqué et c’est depuis que j’ai voulu travailler avec des bébés.  J’ai donc fait des études de médecine mais cela n’a pas joué. Je suis alors parti en Belgique pour faire des études de sage-femme. C’est durant la première année d’étude que j’ai découvert ce qu’était réellement le métier de sage-femme. C’est-à-dire prendre en charge les mamans, les bébés et d'avoir aussi une partie de travail d'urgence parce qu’on ne sait jamais quand la maman va accoucher. Tout cela m’a vraiment plu et c'est pour cela que j'ai choisi cette profession. Ce n’est donc pas à proprement dit un rêve d’enfant mais un chemin de vie.

    Gazette du Tsené : Est-ce qu’il est arrivé que l’on vous juge ?

    Mathieu : Les gens qui ne connaissent pas le métier de sage-femme peuvent être surpris. Je suis bien dans mon travail, je sais pourquoi je fais ça et cela ne me pose pas de problème. Je dirais même que ça m'ouvre plutôt des portes. Je peux discuter aussi bien avec les hommes qu'avec les femmes et ça de manière différente. Je vais vous donner un exemple concret. Une fois, je me suis retrouvé dans une administration avec un monsieur qui était dans la file d'attente devant moi. On a commencé à discuter. Lorsque je lui ai dit que j'étais sage-femme, il m'a expliqué l'accouchement de sa femme. Vous voyez, cela peut changer totalement les discussions qu'on peut avoir parce que la naissance d’un enfant c'est quelque chose que tout le monde côtoie. Et cela peu importe l'âge. Parfois, je me suis retrouvé à discuter de ça avec des grands-mères qui m’expliquaient comment s'était passé leur accouchement. Donc, cela ouvre des portes plus que cela n'en ferme.

    Gazette du Tsené : A quel âge avez-vous commencer votre formation ?

    Mathieu : J'ai commencé ma formation à 20 ans. On peut commencer plus tôt mais j’ai d’abord fait deux années de médecine. Cela fait maintenant douze ans que je suis sage-femme.

    Gazette du Tsené : Comment ont réagi vos proches ?

    Mathieu : Mes parents sont très ouverts par rapport à ça. Ils ne savaient pas vraiment comment cela se passait au quotidien. J’ai eu l'occasion de les emmener à l'hôpital où je travaillais.

    Quand j'ai commencé à travailler à Lausanne, ils savaient que j'étais motivé. Ils se sont dit ça va. Ma maman est cheffe d'entreprise dans le transport, quelque chose qui n’est pas très féminin. J’ai une de mes sœurs qui est gendarme. Vous voyez que dans ma famille cela ne pose aucun problème. Sinon ma femme est aussi sage-femme. Quant à mes enfants, ils savent depuis tout petits ce que je fais et cela ne leur pose aucun problème.

    Gazette du Tsené : Est-ce que vous nous conseilleriez ce métier ?                                                                      

    Mathieu : Maintenant, il n’y a plus vraiment de métier pour les hommes ou pour les femmes et ça c'est vraiment bien. L’important, c'est que si vous voulez faire quelque chose, personne ne doit vous en empêcher. Vous serez aussi du coup bien dans vos baskets. Donc, oui, je vous conseille de faire tout ce que vous pouvez pour exercer le métier que vous voulez. S 'il y a un peu plus de femmes ou d'hommes dans votre profession, ce n'est pas très grave. Je vous avoue que tous les jours je suis avec des femmes mais finalement, je suis avec des collègues sage-femmes, le reste je n’y fais pas attention. Lorsque j’étais à l'hôpital à Lausanne, j'étais avec d'autres hommes mais je n’ai pas cherché plus le contact avec eux. Je suis avec des collègues, point.

    Gazette du Tsené : Est-ce que vous avez déjà pensé à quitter votre travail ?

    Mathieu : Non, je n’y ai jamais pensé. J’ai en revanche évolué au sein du métier. J'ai refait une formation, un master pour être cadre. Donc actuellement, je suis chef du post-partum à Sion. Je suis chef d'unité mais je m’occupe aussi des soins, donc aussi des mamans et des bébés. Je fais les deux.

    Gazette du Tsené : Comment est l’ambiance au travail ?

    Mathieu : Elle est très bonne.  Mes collègues me disent qu'elles aiment bien avoir un homme dans l'équipe parce que ça change aussi parfois la dynamique. Avec ma hiérarchie, c'est pareil. Il n’y a pas de souci, je m'entends très bien avec tout le monde.

    Gazette du Tsené : Est-ce qu’une femme a déjà refusé d’accoucher avec vous ?

    Mathieu : Oui, c'est déjà arrivé mais cela doit représenter moins d’une dizaine de cas sur douze ans. Ce sont plus souvent les papas que les mamans qui refusent. Ce ne sont pas forcément pour des raisons religieuses. C'est arrivé durant mes études car certaines personnes ne veulent pas avoir des étudiants. Au CHUV, il y avait parfois des papas qui ne voulaient pas voir d'homme du tout donc pas de gynécologues hommes, pas de pédiatres hommes. Je n’ai donc pas pris cela personnellement. Le hasard fait que ces gens, on les retrouve à d'autres moments. En l'occurrence la personne à laquelle je pense, je l’ai retrouvée après son accouchement et c'est moi qui lui ai donné les conseils pour l'allaitement. C’est finalement très rare. Je pense qu’à partir du moment où on est bien dans sa profession et qu'on montre qu’on est compétent, tout va bien. Les femmes sont juste surprises car elles ne s’attendent pas forcément à ce que je sois sage-femme.

     

    Propos recueillis par Aldijana, Charlène, Cindy, Kaélie, Kaitlyn et Mathilde